vendredi 16 octobre 2020

Avis sur Un fils de notre temps, d'Horwath

Bref roman d'un homme sensible au drame de la déroute des valeurs humaines provoquée par la montée du totalitarisme/fascisme en 1938 en Allemagne.

Pourquoi déroute ? Parce que pour être "de son temps", il suffit de se laisser fasciner par l'espoir d'un monde plus simple, idéal, apparemment généreux, aux valeurs accessibles à tous qui est proposé par cette nouvelle idéologie. Et quelle fascination pour ces jeunes allemands abandonnés par leur société, sans travail, sans place dans le monde, lorsqu'on leur promet un rôle, une dignité ! Et que crèvent ceux (peu nombreux) qui défendent encore les "vieilles" valeurs.

Mais peu à peu la réalité reprend ses droits : ces valeurs simples qu'adopte le héros sont en fait la haine, l'intolérance et la violence ; ce monde victorieux qu'ils va bâtir est un échec économique où la misère s'aggrave, cette place qu'il trouve est celle d'un pion humain que l'on exploite et qui retrouve la même solitude et le même désespoir quand il est usé. Notre héros, qui cesse alors d'être "de son temps" en retrouvant trop tard ses valeurs humaines profondes, n'a plus l'énergie pour en accepter leur fragilité et leur inhérente incertitude. Non, il n'y a pas de solution simple…

Fascisme, communisme, plaies encore saignantes de notre siècle, confusion de l'état et de la société, destructeurs avoués des valeurs "de l'ancien temps", êtes-vous vraiment exorcisés ?
Un superbe petit roman (il se lit en deux heures) au style incisif, et qui n'a rien perdu de son actualité.

Editions Gallimard (l'étrangère)


samedi 29 août 2020

Le Livre de Saladin de Tariq Ali

‘Le Livre de Saladin’ est un ouvrage volumineux qui, une fois dépassé l'obstacle d'un style un peu rigide et austère, nous plonge dans une époque historique dont nous connaissons finalement peu de choses, en dépit de toute la littérature qui est née autour. 

Ce deuxième volume du ‘Quintet de l'Islam’ fait partie de l’ensemble romanesque que Tariq Ali a initié au moment de la première guerre du Golfe, en réaction aux hostilités dirigées contre la religion musulmane. L'intellectuel anglo-pakistanais - par ailleurs leader de l'extrême-gauche britannique - décrit l'envers du décor de la guerre entre le calife musulman Saladin et les Croisés pour la reconquête de Jérusalem, esquissant en filigrane la vie du leader kurde musulman, devenu l'une des plus importantes figures historiques de l'islam. C’est un personnage complexe, ambigu et totalement ambivalent que l'on découvre progressivement tout au long d'un récit qui alterne les scènes du passé et du présent, pour rendre toute son épaisseur à ce héros dont la détermination demeure sans faille.

L'originalité du roman réside aussi dans le fait que Tariq Ali brasse la grande histoire à travers une multitude de petites histoires dont le mémorialiste, Ibn Yakoub, érudit de confession juive, consigne les détails jour après jour. Et l’on s'étonnera longtemps de découvrir toute la richesse de la culture musulmane et la liberté de moeurs qui prévalait dans le secret des palais et des harems à cette époque. L'on gardera aussi de ce livre la modernité des thèmes abordés : la question des femmes en islam et la cohabitation des différentes religions dans une même aire géographique. Un livre monumental qui, s'il ne devait avoir qu'un mérite, serait celui de bouleverser la vision classique de cette période de l'histoire et d'en offrir un angle de vue radicalement neuf.


Le Quintet de l’Islam - Tome II, de Tariq Ali,

Editeur : Sabine Wespieser, 2008

jeudi 2 juillet 2020

chronique du livre Lady Susan, de Jane Austen

Lady Susan est un court roman épistolaire qui permet de profiter de la plume de Jane Austen en quelques heures. Avec son peu de pages, et sa construction aérée, il se lit rapidement ce qui est bien utile pour terminer ce challenge ! On entre dès la première lettre ou presque dans l'histoire, et on retrouve instantanément l'esprit de l'auteur.

Il s'agit d'une oeuvre de jeunesse (écrit en 1794, Jane Austen a alors 19 ans) mais on ressent pourtant que l'auteur qui écrira Orgueil et préjugés, et Raison et sentiments, est déjà née. L'histoire est assez simple, Lady Susan cherche à séduire, mais l'intérêt réside dans la façon dont Lady Susan arrive à ses fins par des manipulations très fines. Sa fille Frederica semble finalement lui importer peu mais bien sûr elle sait faire jouer les apparences en sa faveur. Il est drôle de lire les différents points de vue à propos d'un même événement. 

Dans sa lettre à Lady Susan, Reginald se plaint au sujet de sa rancoeur envers Sir James Martin, qui voit Frederica se réfugier à ses côtés alors que lui-même la courtisait. Suite à cela elle écrira à sa fille, et toutes ces histoires sont très drôles de nos jours.

Jane Austen, Lady Susan, Gallimard, 2000, 115 pages. Traduit de l'anglais par Pierre Goubert.

samedi 30 mai 2020

Avis sur Chroniques de Pont-aux-rats : Au bonheur des Monstres (tome 1) d’Alan Snow

« Chroniques de Pont-Aux-Rats » ouvre ses portes sur le monde complètement loufoque d’Alan Snow avec « Au bonheur des Monstres ».
Nous sommes plongés directement dans cet univers par des petites annonces publicitaires ou des affiches en tous genres nous offrant un aperçu de Pont-Aux-Rats et de ses habitants.
Ce roman d’aventure nous conte l’histoire d’Arthur, jeune garçon vivant dans les sous-sols de Pont-Aux-Rats et venant à l’occasion à la surface voler quelques denrées. Ingénieux, tout comme son grand-père, il vole grâce à des ailes mécaniques de toit en toit, se faufilant dans les jardins à la tombée de la nuit pour y prendre quelques légumes. Jusqu’au jour où il surprend des hommes faisant une chasse à courre … et attrape quelques fromages. Ce qui est totalement illégal. Surpris, les membre de la guilde du Castel Fromager tente de le capturer.

Vous l’avez bien compris, Alan Snow offre avec cette trilogie une histoire décalée et pleine de fantaisie.

Cette imagination vive dont fait preuve l’auteur nous fait rencontrer des créatures étonnantes et très attachantes. J’ai complétement craqué notamment pour nos amis bricoliaux et les choutrognes. Quand à Arthur, c’est un jeune garçon curieux, énergique et à l’esprit agile. Tout aussi touchant que Mr. Willifried, homme posé et faisant preuve de beaucoup d’intelligence, ils essayent de comprendre ce qui incitent les peuples souterrains à fuir leur monde d’En-Dessous pour celui de la surface.

L’écriture d’Alan Snow est agréable et son intrigue propose de nombreux rebondissements.
“Au bonheur des monstres” est donc cette histoire qui ne laisse pas de place à l’ennui tout en prenant le temps de nous faire découvrir cet univers original rendu d’autant plus vivant grâce aux illustrations en noir et blanc d’Alan Snow qui s’invitent au cœur des pages.
Fourmillant de détails, elles possèdent un petit charme qui convient les regards à découvrir le portrait des personnages faisant le récit.

vendredi 1 mai 2020

Rêve d'amour, de Laurence Tardieu

Je me méfie toujours de ces romans nombrilistes (généralement français), écrits à la 1ère personne du singulier. Mal parti celui-ci, car écrit ainsi... Mais ce joli roman fragile et simple, tendre aussi, explore très élégamment les méandres affectifs d'une jeune femme en quête de souvenirs. Alice, qui a perdu sa mère à l'âge de quatre ans, n'a pas même une photo d'elle, son père ayant tout effacé. Car peu de temps avant de mourir, elle avait eu une liaison avec un peintre. A la mort de son père, la jeune femme tente de le retrouver...
Laurence Tardieu est grave. Point d'humour ni de légèreté. Mais pas non plus de pesanteur. Son livre est gracile. Car Laurence Tardieu est juste. Point final. Son récit poignant. Cette quête est tendre.

Il y a du silence. Des silences. Eloquents. Beaucoup d'interrogations sont semées et on y entrevoit des débuts de réponses. Beaucoup de sentations "J'ai chaud, je suis fatigué...", d'actions banales "se lever, s'assoir, fermer une fenêtre..." et de pensées. Jamais d'ennui. 

Beaucoup de plaisir. C'est ça l'amour, c'est ça les rêves d'amour.


vendredi 3 avril 2020

ne t'inquiète pas pour moi , de Alice Kuipers

Ce roman frigo-postitaire (les échanges se font par post-it posés sur le frigo) est une petite merveille. La correspondance entre une mère divorcée et son adolescente de fille dévoile des rapports parfois tendus, des incompréhensions, des "ratages", des évènements plutôt mineurs qui pimentent la vie jusqu'à la découverte de la maladie de la maman...
Dans ce roman, vite lu, synthétique et prenant, Alice Kuipers, esquisse l'intimité, les non-dits, les absences. Elle réussit à nous emmener dans son histoire et nous laisse imaginer une partie de celle-ci.
Elle nous rappelle que l'essentiel réside dans ces petits moments, cette grâce des instants où l'on partage avec ceux qu'on aime les joies comme les difficultés.

Puis à la fin, on pleure...

samedi 14 mars 2020

avis sur Providence , de Valérie Cong Tuong

Un roman qui démarre à "fond les ballons" puis ralentit si sensiblement qu'il m'est tombé des mains. Je l'ai repris, relâché, puis repris encore pour le terminer. Finalement, pas de regret, car il m'aura fait passer un bien agréable moment.

Un livre à la Kaplisch où les univers se croisent joliment. Et une jolie petite fin qui ne fait pas pleurer. Mais les plus exigeants pourront regretter à la fois son manque de style et son manque de consistance...