samedi 30 janvier 2021

L’Usine de Philippe Napoletano, une dystopie moderne

Bien entendu, tout est parfait dans ce monde. Un peu comme dans les écrits ou les maquettes de Claude-Nicolas Ledoux : tout le monde a la pêche et sourit puisqu’on a du travail, qu’on mange à sa faim et qu’on boit des bières bien noires en dansant et en se tapant dans le dos. La ville est propre, carrée et au moindre incident débarquent deux brancardiers. Pour divertir la population et permettre de garder une meilleure cohésion, on organise aussi des émissions de télévision sirupeuses et des partouzes dans les arrières-salles des bistrots. 


Et même si de temps en temps le mystérieux Bureau des Directions change les plannings et les affectations, personne ne semble vraiment s’en plaindre. Bref, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles jusqu’au moment où Courneuve lève un lièvre : le jour de son arrivée une femme se suicide devant lui. Héritant (par hasard ?) de son appartement, il commence à percevoir une présence à ses côtés, une présence qui se fait de plus en plus… pressante. 

Et quand Courneuve découvre qu’il n’est pas le seul à ressentir la présence d’un spectre, commence une enquête qui l’entraînera au cœur de la machine, au cœur de l’usine, au cœur d’un système parfaitement huilé… Philippe Napoletano, tout au long de son roman découpé en procédures et en fragments, adopte le ton adéquat et un style qui n’est pas sans rappeler les contre-utopies citées supra. Il a su trouver la bonne distance entre le narrateur et son sujet si bien que le lecteur flotte dans cet univers déconcertant. Loin d’être aseptisée, son écriture parvient à changer régulièrement de registres, notamment lorsqu’il est question du corps. Les scènes d’orgies sexuelles sont beaucoup plus incarnées, c’est évident, que la description des avenues de la ville. Les hallucinations, les rêves et les scènes de fièvre sont également réussies. En avançant, je me disais qu’un roman comme celui-là ne pouvait finir, ne pouvait pas bien finir. Et c’est souvent le problème des contre-utopies. 

Mais dans L’Usine, j’ai trouvé que l’auteur s’en était bien sorti et que ce n’est pas tant une morale qu’on recherchera ici mais plutôt une atmosphère, une écriture visuelle et une voix à suivre.

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