vendredi 25 décembre 2020

L’Usine de Philippe Napoletano, une dystopie moderne

J’ai eu la chance de lire en avant-première L’Usine de Philippe Napoletano, roman publié aux éditions D’un Noir si Bleu en début de semaine. Je n’avais rien lu encore de cet auteur mais le titre de son roman m’intriguait, cette phrase aussi : « Ayez confiance en l’usine, car l’usine vous fait confiance. » J’avais jeté un œil à l’argumentaire sur le site de la maison d’édition et avais vu qu’il s’agissait d’une « interprétation actuelle des dystopies classiques, une relecture de 1984, mais à l’heure du monde 2.0 et du Quantified self ». Des contre-utopies (ou dystopies), on en connaît déjà et on en a lu pas mal aussi : 1984 bien sûr, Fahrenheit 451 de Bradbury, Nous autres de Zamiatine, La Planète des singes de Boulle ou encore Le Meilleur des mondes de Huxley, parmi les classiques du genre, et dernièrement je chroniquais sur ce blog L’Employé de Guillermo Saccomanno que j’avais beaucoup aimé, alors pour dire vrai je suis entré prudemment dans ce roman. 

 Peut-être dire avant toutes choses qu’il faut terminer ce roman pour le classer dans les contre-utopies. Car au départ, il est plutôt construit comme une utopie (ici on cherche le bonheur des habitants) et ce n’est que progressivement qu’il basculera du côté de la contre-utopie (à mesure que le héros, Courneuve, arrivé d’on ne sait où, s’impliquera au cœur de celle qui fait vivre la ville entière : L’USINE). Au début j’ai pensé aux Saisons de Maurice Pons. Sans doute parce qu’on ne sait pas d’où vient le personnage, sinon qu’il a parcouru le monde, qu’il a vécu de petits boulots et qu’il a faim. Aussi, comme Siméon, parce que débarqué de n’importe où et qu’il est de bonne constitution, il va très vite s’intégrer aux mœurs et coutumes ainsi qu’aux habitudes de la ville, de l’usine et des habitants-salariés. 

Mais la comparaison avec le roman de Maurice Pons s’arrête là. Parce que très rapidement, Courneuve va faire son trou ici, va rencontrer quelques habitués des bars de nuit puis les représentants du syndicat ainsi que les « Marginaux ». Et que nous passerons rapidement des Saisons à Nous autres voire au film The Truman Show.

mardi 24 novembre 2020

Des histoires interractives pour la jeunesse avec la tablette XXL

Outre les iPads, les organisateurs ont installé une tablette géante, de la taille d’une table basse ou de la fenêtre de votre salon. C’est la deuxième année que cet outil baptisé Tablette XXL est mis à disposition du public, pendant que Google numérise. Reprenant les spécificités des tablettes individuelles, elle contient les applications choisies pour le salon 2012 (très peu de eBooks en revanche). Tactile et de très grand format, celle-ci a été imaginée pour permettre de découvrir sur écran des histoires réalisées par des créateurs de littérature jeunesse. 
 
Depuis vendredi, les enfants y viennent accompagnés de leurs parents ou de leurs enseignants et testent ensemble ces nouvelles pratiques de lectures interactives (récits linéaires ou aléatoires, images animées, jeux, lecture audio ou non…). 
 
Pour cette saison 2, vous y trouverez 15 applications et ebooks. Certains ont été réalisés à partir d’un album imprimé, d’autres ont été créés spécialement pour ce support. Outre Fourmi, vous trouverez de plus en plus de lives en ligne : 14 autres histoires dont Uropa de Bernard Islaire et Laurence Erlich (Casterman, Pépite de la création numérique 2012), Balloon paper app (éditions Volumiques), Conte du haut de mon crâne de Séverine Vidal, illustré par Claire Fauché et lu par Cécile Givernet (La Souris qui raconte), Histoires farfelues de Sophie de Quatrebarbes, Eve Sarradet, design de Vincent Farges (Tralalère), Joue avec… (collection Joue avec / Revue Dada), Le marchand de sable de Manon Aidan et Yanick Gourville illustré par Cyril Jedor (hocus bookus), Les 4 saisons d’Antoine de Gordon et Chloé Jarry, illustré par Emmanuelle Tchoukriel (Camera Lucida productions, France 3 Ludo et France Télévisions Distribution), Les pensées de Manon D, adaptation du livre éponyme de Sophie Dieuaide (Casterman), Ma Poire de Stéphane Kiehl (e-Toiles), Mon chemin, adaptation du livre éponyme de Vincent Gaudin et Sandra Poirot-Cherif (Hatier Jeunesse), Pompidou kids (Gallimard Jeunesse et les éditions du Centre Pompidou), Stella et Sacha (Zinc Rœ Productions Inc.) et Voyage au centre de la Terre, adaptation du roman de Jules Verne (L’Apprimerie).

vendredi 16 octobre 2020

Avis sur Un fils de notre temps, d'Horwath

Bref roman d'un homme sensible au drame de la déroute des valeurs humaines provoquée par la montée du totalitarisme/fascisme en 1938 en Allemagne.

Pourquoi déroute ? Parce que pour être "de son temps", il suffit de se laisser fasciner par l'espoir d'un monde plus simple, idéal, apparemment généreux, aux valeurs accessibles à tous qui est proposé par cette nouvelle idéologie. Et quelle fascination pour ces jeunes allemands abandonnés par leur société, sans travail, sans place dans le monde, lorsqu'on leur promet un rôle, une dignité ! Et que crèvent ceux (peu nombreux) qui défendent encore les "vieilles" valeurs.

Mais peu à peu la réalité reprend ses droits : ces valeurs simples qu'adopte le héros sont en fait la haine, l'intolérance et la violence ; ce monde victorieux qu'ils va bâtir est un échec économique où la misère s'aggrave, cette place qu'il trouve est celle d'un pion humain que l'on exploite et qui retrouve la même solitude et le même désespoir quand il est usé. Notre héros, qui cesse alors d'être "de son temps" en retrouvant trop tard ses valeurs humaines profondes, n'a plus l'énergie pour en accepter leur fragilité et leur inhérente incertitude. Non, il n'y a pas de solution simple…

Fascisme, communisme, plaies encore saignantes de notre siècle, confusion de l'état et de la société, destructeurs avoués des valeurs "de l'ancien temps", êtes-vous vraiment exorcisés ?
Un superbe petit roman (il se lit en deux heures) au style incisif, et qui n'a rien perdu de son actualité.

Editions Gallimard (l'étrangère)


samedi 29 août 2020

Le Livre de Saladin de Tariq Ali

‘Le Livre de Saladin’ est un ouvrage volumineux qui, une fois dépassé l'obstacle d'un style un peu rigide et austère, nous plonge dans une époque historique dont nous connaissons finalement peu de choses, en dépit de toute la littérature qui est née autour. 

Ce deuxième volume du ‘Quintet de l'Islam’ fait partie de l’ensemble romanesque que Tariq Ali a initié au moment de la première guerre du Golfe, en réaction aux hostilités dirigées contre la religion musulmane. L'intellectuel anglo-pakistanais - par ailleurs leader de l'extrême-gauche britannique - décrit l'envers du décor de la guerre entre le calife musulman Saladin et les Croisés pour la reconquête de Jérusalem, esquissant en filigrane la vie du leader kurde musulman, devenu l'une des plus importantes figures historiques de l'islam. C’est un personnage complexe, ambigu et totalement ambivalent que l'on découvre progressivement tout au long d'un récit qui alterne les scènes du passé et du présent, pour rendre toute son épaisseur à ce héros dont la détermination demeure sans faille.

L'originalité du roman réside aussi dans le fait que Tariq Ali brasse la grande histoire à travers une multitude de petites histoires dont le mémorialiste, Ibn Yakoub, érudit de confession juive, consigne les détails jour après jour. Et l’on s'étonnera longtemps de découvrir toute la richesse de la culture musulmane et la liberté de moeurs qui prévalait dans le secret des palais et des harems à cette époque. L'on gardera aussi de ce livre la modernité des thèmes abordés : la question des femmes en islam et la cohabitation des différentes religions dans une même aire géographique. Un livre monumental qui, s'il ne devait avoir qu'un mérite, serait celui de bouleverser la vision classique de cette période de l'histoire et d'en offrir un angle de vue radicalement neuf.


Le Quintet de l’Islam - Tome II, de Tariq Ali,

Editeur : Sabine Wespieser, 2008

jeudi 2 juillet 2020

chronique du livre Lady Susan, de Jane Austen

Lady Susan est un court roman épistolaire qui permet de profiter de la plume de Jane Austen en quelques heures. Avec son peu de pages, et sa construction aérée, il se lit rapidement ce qui est bien utile pour terminer ce challenge ! On entre dès la première lettre ou presque dans l'histoire, et on retrouve instantanément l'esprit de l'auteur.

Il s'agit d'une oeuvre de jeunesse (écrit en 1794, Jane Austen a alors 19 ans) mais on ressent pourtant que l'auteur qui écrira Orgueil et préjugés, et Raison et sentiments, est déjà née. L'histoire est assez simple, Lady Susan cherche à séduire, mais l'intérêt réside dans la façon dont Lady Susan arrive à ses fins par des manipulations très fines. Sa fille Frederica semble finalement lui importer peu mais bien sûr elle sait faire jouer les apparences en sa faveur. Il est drôle de lire les différents points de vue à propos d'un même événement. 

Dans sa lettre à Lady Susan, Reginald se plaint au sujet de sa rancoeur envers Sir James Martin, qui voit Frederica se réfugier à ses côtés alors que lui-même la courtisait. Suite à cela elle écrira à sa fille, et toutes ces histoires sont très drôles de nos jours.

Jane Austen, Lady Susan, Gallimard, 2000, 115 pages. Traduit de l'anglais par Pierre Goubert.

samedi 30 mai 2020

Avis sur Chroniques de Pont-aux-rats : Au bonheur des Monstres (tome 1) d’Alan Snow

« Chroniques de Pont-Aux-Rats » ouvre ses portes sur le monde complètement loufoque d’Alan Snow avec « Au bonheur des Monstres ».
Nous sommes plongés directement dans cet univers par des petites annonces publicitaires ou des affiches en tous genres nous offrant un aperçu de Pont-Aux-Rats et de ses habitants.
Ce roman d’aventure nous conte l’histoire d’Arthur, jeune garçon vivant dans les sous-sols de Pont-Aux-Rats et venant à l’occasion à la surface voler quelques denrées. Ingénieux, tout comme son grand-père, il vole grâce à des ailes mécaniques de toit en toit, se faufilant dans les jardins à la tombée de la nuit pour y prendre quelques légumes. Jusqu’au jour où il surprend des hommes faisant une chasse à courre … et attrape quelques fromages. Ce qui est totalement illégal. Surpris, les membre de la guilde du Castel Fromager tente de le capturer.

Vous l’avez bien compris, Alan Snow offre avec cette trilogie une histoire décalée et pleine de fantaisie.

Cette imagination vive dont fait preuve l’auteur nous fait rencontrer des créatures étonnantes et très attachantes. J’ai complétement craqué notamment pour nos amis bricoliaux et les choutrognes. Quand à Arthur, c’est un jeune garçon curieux, énergique et à l’esprit agile. Tout aussi touchant que Mr. Willifried, homme posé et faisant preuve de beaucoup d’intelligence, ils essayent de comprendre ce qui incitent les peuples souterrains à fuir leur monde d’En-Dessous pour celui de la surface.

L’écriture d’Alan Snow est agréable et son intrigue propose de nombreux rebondissements.
“Au bonheur des monstres” est donc cette histoire qui ne laisse pas de place à l’ennui tout en prenant le temps de nous faire découvrir cet univers original rendu d’autant plus vivant grâce aux illustrations en noir et blanc d’Alan Snow qui s’invitent au cœur des pages.
Fourmillant de détails, elles possèdent un petit charme qui convient les regards à découvrir le portrait des personnages faisant le récit.

vendredi 1 mai 2020

Rêve d'amour, de Laurence Tardieu

Je me méfie toujours de ces romans nombrilistes (généralement français), écrits à la 1ère personne du singulier. Mal parti celui-ci, car écrit ainsi... Mais ce joli roman fragile et simple, tendre aussi, explore très élégamment les méandres affectifs d'une jeune femme en quête de souvenirs. Alice, qui a perdu sa mère à l'âge de quatre ans, n'a pas même une photo d'elle, son père ayant tout effacé. Car peu de temps avant de mourir, elle avait eu une liaison avec un peintre. A la mort de son père, la jeune femme tente de le retrouver...
Laurence Tardieu est grave. Point d'humour ni de légèreté. Mais pas non plus de pesanteur. Son livre est gracile. Car Laurence Tardieu est juste. Point final. Son récit poignant. Cette quête est tendre.

Il y a du silence. Des silences. Eloquents. Beaucoup d'interrogations sont semées et on y entrevoit des débuts de réponses. Beaucoup de sentations "J'ai chaud, je suis fatigué...", d'actions banales "se lever, s'assoir, fermer une fenêtre..." et de pensées. Jamais d'ennui. 

Beaucoup de plaisir. C'est ça l'amour, c'est ça les rêves d'amour.


vendredi 3 avril 2020

ne t'inquiète pas pour moi , de Alice Kuipers

Ce roman frigo-postitaire (les échanges se font par post-it posés sur le frigo) est une petite merveille. La correspondance entre une mère divorcée et son adolescente de fille dévoile des rapports parfois tendus, des incompréhensions, des "ratages", des évènements plutôt mineurs qui pimentent la vie jusqu'à la découverte de la maladie de la maman...
Dans ce roman, vite lu, synthétique et prenant, Alice Kuipers, esquisse l'intimité, les non-dits, les absences. Elle réussit à nous emmener dans son histoire et nous laisse imaginer une partie de celle-ci.
Elle nous rappelle que l'essentiel réside dans ces petits moments, cette grâce des instants où l'on partage avec ceux qu'on aime les joies comme les difficultés.

Puis à la fin, on pleure...

samedi 14 mars 2020

avis sur Providence , de Valérie Cong Tuong

Un roman qui démarre à "fond les ballons" puis ralentit si sensiblement qu'il m'est tombé des mains. Je l'ai repris, relâché, puis repris encore pour le terminer. Finalement, pas de regret, car il m'aura fait passer un bien agréable moment.

Un livre à la Kaplisch où les univers se croisent joliment. Et une jolie petite fin qui ne fait pas pleurer. Mais les plus exigeants pourront regretter à la fois son manque de style et son manque de consistance...


 



samedi 29 février 2020

Orgueil et préjugés et zombies, Jane Austen, Seth Grahame-Smith,

Pour la famille Bennet, qui compte cinq filles à marier, l'arrivée de deux jeunes et riches célibataires dans le voisinage est une aubaine : enfin des coeurs à prendre, et des bras supplémentaires pour repousser les zombies qui prolifèrent dans la région ! Mais le sombre Mr Darcy saura-t-il vaincre le mépris d'Elizabeth, et son ardeur au combat ? Les innommables auront-ils raison de l'entraînement des demoiselles Bennet ? Les soeurs de Mr Bingley parviendront-elles à le dissuader de déclarer ses sentiments à Jane ? Surtout, le chef-d'oeuvre de Jane Austen peut-il survivre à une attaque de morts-vivants ?

  Soucieuse de terminer le Challenge Jane Austen, j'ai ajouté à ma découverte Austenienne cette "adaptation" pour le moins mordante ! Orgueil et préjugés et zombie entre, si je ne m'abuse dans la catégorie des Austenneries, soit des romans issus de l'oeuvre de Jane Austen. Celle-ci reprend fidèlement la trâme de départ, en y ajoutant des revenants d'outre-tombe, des bals interrompus par des combats rapprochés, et autres joyeusetés. C'est un roman drôle (impossible de ne pas pouffer toutes les deux pages) et bien écrit, puisque la plume de Jane Austen est très présente.

 Il fallait oser, et pourtant c'est une réussite ! Certes les passages écrits par Seth Grahame-Smith sont assez gauchement insérés, mais je suis passée outre et j'ai apprécié cette idée originale. Certes ce n'est pas exactement du Jane Austen, mais je pense qu'il faut le prendre pour ce que c'est, c'est-à-dire un dérivé. J'ai aimé la liberté prise sur le personnage de Charlotte, j'ai aimé le sort donné à Mr Colins, j'ai aussi aimé le combat qui rapprochera Lizzy et Darcy et j'ai aimé retrouver Orgueil et préjugés, bref j'ai aimé beaucoup de choses dans ce roman, sans oublier Wickham, qui a sans nul doute été le plus malchanceux ! 

J'ai passé un bon moment et je ne me suis pas sentie choquée outre mesure !

vendredi 17 janvier 2020

La maison, lieu de sociabilité, dans des communautés urbaines européennes de l’Antiquité à nos jours, Florence Gherchanoc (.dir)

Cet ouvrage réunit les actes d’un colloque sur la maison, lieu de sociabilité, de l'histoire Antique à nos jours en Europe (exception faite d’un article ayant trait au monde créole réunionnais). 

Les contributions, fondées pour les unes sur l’étude de la culture matérielle et pour les autres sur celle des discours, explorent les mécanismes par lesquels se crée et se fortifie le lien social dans des villes européennes. La maison est replacée dans un environnement urbain caractérisé par une relative densité de constructions et d’habitants et par une variété de relations sociales. 

Sous l’angle des fêtes, moments privilégiés de rassemblement d’un groupe social dans l’espace dit domestique, familial et « privé », les contributeurs ont rendu compte de formes de sociabilité particulières – la famille étant généralement exclue du champ d’appréhension de la sociabilité –, ont mesuré la capacité d’ouverture de la maison et réfléchi à la façon dont celle-ci opère comme un espace qui lie la famille à une société urbaine plus large. Autrement dit, était en question le rôle de la sociabilité familiale dans la constitution des réseaux urbains. 

Tout d’abord, les articles éclairent sur des stratégies d’occupation et de réception dans les maisons ; ils posent la question cruciale des seuils, notamment entre le « privé » et le « public » dans des espaces indifférenciés ou bien spécifiques, préalablement déterminés ou non. 

Dans un second temps, les communications rassemblées analysent des comportements