jeudi 31 décembre 2015

Les Dames-Nature de Popenguine

Dans la société africaine, la femme est traditionnellement la gardienne du foyer. Et de la maisonnée à l'environnement immédiat, il n'y a qu'un pas. Un bon pas, certes, mais qu'une poignée de femmes ont allégrement franchi pour gérer la Réserve Naturelle qui borde leur village de Popenguine, au Sénégal. Un engagement citoyen qui se préoccupe aussi de transmettre le souci de l'environnement à tout un chacun. Rencontre avec des « mamans » qui ont mis leur légendaire débrouillardise au service du développement durable de leur communauté.
Des hurlements de chacals déchirent soudain le calme du petit matin. Nous nous arrêtons quelques instants Plus rien. A pas feutrés, nous suivons le chemin qui serpente le long de la falaise jusqu'au Cap de Naze. Pfffouatt pfffouatt pfffouatt. Avec fracas, un groupe de pintades prend son envol sous notre nez dans un nuage de poussière. Le silence retombe, ponctué de cris d'oiseaux. Doucement, Ousmane Senghor, notre guide, nous raconte la Réserve naturelle de Popenguine-Guéréo, à Petite-Côte au Sénégal. Cette zone de collines boisées en bordure de pitons rocheux surplombant l'océan a été mise sous protection par la Direction des Parcs nationaux en 1986. « Ici, le gros problème d'environnement, c'est la désertification, explique le jeune homme. D'abord, parce qu'il pleut moins, depuis une trentaine d'années. Mais ce phénomène est aussi lié aux défrichements massifs. La création de la réserve a notamment pour but de lutter contre cette déforestation, essentiellement liée à la coupe abusive de bois par les villageois et à l'agriculture. »

Une poignée de femmes
Jusque là, une histoire très normale en terre africaine. Et pourtant, la réserve de Popenguine n'est pas tout à fait comme les autres. « Ici, il y a une expérience qui fut longtemps unique en Afrique », rapporte encore Ousmane. En effet, après l'arrivée des agents des Parcs nationaux, une poignée de femmes du village ont décidé de prendre en main la gestion de « leur » domaine et de participer aux activités de restauration du mil ieu. Pour Woulimata Thiaw, la charismatique présidente du mouvement, cette initiative semblait aller de soi : « les agents viennent ici puis reparte nt au bout de quelques années. Nous , nous vivons là ; donc la meilleur façon de protéger l'environnement, c'est que les populations locales se lèvent pour travailler avec eux. » C'était en 1987. Woulimata fondait le Regroupement des Femmes de Popenguine pour la Protection de la Nature (RFPPN), réunissant 119 mères de famille et un homme parce qu'il était présent le jour de cette assemblée.

De l'énergie à revendre
Bénévoles pendant plusieurs années, les « dames-nature » se sont mises au travail avec une pelle et une brouette. Après la réalisation d'une bande pare-feu sur le pourtour de la réserve, elles se sont lancées dans le reboisement en créant une pépinière de jeunes plants (baobabs, acacias, prosopis, etc.). Pour l'arrosage quotidien, elles devaient alors faire la navette de la pompe du village à la plantation distante d'1,5 km, avec d'énormes seaux d'eau sur la tête. D'année en année, là où il ne restait plus qu'une forêt clairsemée, squelettique, la nature a repris ses droits. Et les résultats ne se sont pas fait attendre : chacals, mangoustes, civettes, porc-épics, singes pata et près de 200 espèces d'oiseaux ont de nouveau installé leurs pénates dans la région. Mais reboiser ne réglait pas complètement la question. Car en créant la réserve, on privait tout bonnement les villageois de bois, combustible essentiel à la vie quotidienne. Un nouveau chantier pour les femmes de Popenguine. Pour cela, elles ont aligné une série de mesures : organisation d'un stock de bonbonnes de gaz - jusque là mal distribué - et de charbon de bois, création d'un bois communautaire avec des arbres à croissance rapide. Dans la foulée, une collecte (avec tri) des ordures fut organisée, et un compost mis en place, pour enrichir le sol de la pépinière. 


Sous la protection de Maam Cupaam
Fortes de ces premiers succès, ces dames à la main verte ont fait des émules parmi leurs consoeurs des sept autres villages bordant la réserve. Chaque bourgade a vu naître son groupement féminin ; depuis, ce sont 1555 membres qui s'activent pour la restauration de « l'Espace naturel communautaire », baptisé « Kër Cupaam », du nom du génie féminin local qui - dit-on - veille sur les lieux. Ponctuellement, des partenaires ont apporté leur aide technique ou financière. Telle la Fondation Nicolas Hulot qui finança la construction d'un « campement touristique ». L'avantage : désormais, les femmes de Popenguine peuvent facilement accueillir les stagiaires étrangers qui font le voyage, intrigués par cette expérience « d'éco-développement ». Et puis, cela reste la seule véritable source de revenus du Collectif.

Labo à ciel ouvert pour les écoles
Mais qui va reprendre le flambeau quand les matrones prendront de l'âge ? Pas d'inquiétude, la relève est déjà assurée. Depuis quelques années, un corps de volontaires est venu en renfort ; formés par les agents des Parcs nationaux, ces jeunes (filles et garçons) des villages alentours construisent dans la réserve des diguettes anti-érosion, aménagent les sentiers, repiquent des palétuviers dans la mangrove de la Somone, participent au comptage des espèces animales et végétales Ce sont eux également qui prennent en charge l'accueil des groupes d'élèves sénégalais pour des sorties nature. « Cet endroit est un labo à ciel ouvert pour les enfants des écoles, s'enthousiasme Ousmane. Et la sensibilisation à l'environnement doit commencer très tôt. Nous, les jeunes volontaires, nous essayons de donner à ces élèves des réflexes d'éco-citoyens ; on leur explique à quoi sert une réserve, quelles sont les gestes à faire ou à ne pas faire (ne rien couper, ne pas introduire de nouvelles espèces, ne pas chasser, etc.). On leur donne des notions sur l'écologie de la réserve (faune et flore), et sur les problèmes environnementaux et climatiques qu'on a ici. Bien sûr, on leur montre aussi avec quels moyens on essaye de lutter contre ça. Et on les implique dans les actions de gestion. Par exemple, chaque année, les élèves et lycéens des environs viennent donner un coup de main pour réaliser les pare-feu autour de la réserve. »

Prêcher la bonne parole
Pendant ce temps, les femmes se mobilisent pour que leur action rime aussi avec développement économique et social du village : alphabétisation, micro-crédit, banque de céréales, formations sur la santé familiale Mais si elles s'enorgueillissent du chemin parcouru depuis leur engagement, elles avouent aussi que tout n'a pas fonctionné comme sur des roulettes. La collecte des déchets, par exemple, bat aujourd'hui de l'aile. « Les femmes du Collectif ont fait beaucoup de sensibilisation et de formation des gens du village sur la gestion des déchets ménagers pour le compost, raconte Abdulaï, un des volontaires ; mais elles ne parviennent pas à rémunérer le charretier qui ramasse les ordures ; il y a des fûts au niveau de chaque maison, mais certains ne payent pas ou irrégulièrement ; du coup, les villageois finissent par reprendre leurs anciennes habitudes en jetant leurs détritus sur un terrain proche de chez eux. » Malgrès ce type de couac, les femmes de Kër Cupaam ne baissent pas les bras et cherchent des améliorations à leurs différents projets. Leur organisation en faveur du Développement Durable a déjà fait école dans beaucoup de réserves du Sénégal ; Woulimata est régulièrement sollicitée pour prêcher la bonne parole hors de son éco-village. D'ailleurs, avec un grand sourire, elle s'excuse de devoir nous quitter : elle doit animer un séminaire de deux jours sur le Développement Durable dans une ville voisine. « C'est important de partager notre expérience, pour que d'autres communautés prennent conscience que nos actions ont des effets dans le futur, dans celui de nos enfants, de nos petits-enfants. C'est aussi ça, la durabilité : nous devons nous assurer qu'il y aura une continuité. »

vendredi 17 juillet 2015

La bibliothérapie, lire pour aller mieux au naturel

Avez-vous déjà entendu parler de bibliothérapie ? Une méthode révolutionnaire pour nous soulager du stress, de la déprime et de l’angoisse. Lire a des vertus insoupçonnées.

Bibliothérapie, du grec biblios (livre) et therapeuein (soigner) signifie : soigner par le livre. Ce mot est rare dans les dictionnaires français et les seules définitions existantes sont floues, ce terme étant peu ou mal connu en France. Un dictionnaire médical mentionne « traitement par le livre de certaines maladies mentales ». De quoi s’agit-il exactement ?


Les livres changent la vie. Il suffit de savoir en tirer les leçons dont nous avons besoin. Aider les gens à renouer avec le simple plaisir de lire, leur permettre de trouver dans un ouvrage des réponses à des interrogations intimes mais aussi soigner des êtres en détresse. Tels sont les objectifs de la bibliothérapie, proposée par des universitaires londoniens. Ces derniers révèlent qu’une vie ne suffit pas pour lire toutes les œuvres littéraires proposées dans les librairies. Toutes les 30 secondes, de nouveaux ouvrages apparaissent.


Le concept de la bibliothérapie est alors très simple. Il s’agit de trouver une évasion et des réponses à ses problèmes entre les pages pour retrouver l’équilibre de son existence. Ceci est valable quel que soit le domaine : professionnel, conjugal ou autre. Pour profiter de la guérison par les livres (et pour des fiches de lectures ? ), il faut consulter un bibliothérapeute. Au premier rendez-vous, vous remplissez un questionnaire autour de vos goûts littéraires, de votre état d’esprit du moment et de vos aspirations.


C’est à partir de ce questionnaire que le spécialiste établit un diagnostic. Ensuite, il donne une ordonnance, comme dans n’importe quel centre de consultation médicale. Ce qui est mentionné sur le papier n’est pas une liste de médicaments classiques, mais de livres. En effet, il vous prescrira des ouvrages adaptés à votre cas. Des retraites de lecture sont même organisées pour vous aider à vous recentrer sur l’essentiel.


Lorsque vous pratiquerez cette activité vous penserez alors à cette nouvelle façon de voir les choses. La bibliothérapie permet de vous libérer de vos émotions en vous reconstruisant sous les mots de l’auteur. En plus de vous apporter des informations nécessaires, la lecture vous aide à retrouver le bon équilibre.


 
S’échapper de la réalité à travers la fiction pour se sentir mieux, la recette n’a finalement rien d’extraordinaire. Mais elle revient à considérer qu’on peut puiser dans la lecture autant de bienfaits que dans n’importe quelle autre médecine douce. A condition bien sûr de ne pas être dans une trop grande dépression. Dans ce cas, seule une consultation auprès d’un psychologue est la seule condition de guérison.

jeudi 1 janvier 2015

lecture : Exit le fantôme – Philip Roth

Voilà plusieurs jours (semaines) que je cherche à parler de façon juste d’Exit le fantôme. Je ne suis pas une experte de l’oeuvre de Roth et encore moins de son double littéraire, Nathan Zuckerman. Avant celui-ci, je n’ai lu qu’un seul roman le mettant en scène, La Tâche où il n’est « que » narrateur. Faut-il avoir lu toute la série des Zuckerman pour apprécier à sa juste valeur Exit le fantôme? C’est ce qui se dit ici ou là.

Alors comment rendre justice à un roman s’il me manque des clés pour en saisir toute la portée? Peut-être simplement en disant que le roman se suffit à lui-même et qu’il est parfaitement accessible pour un profane. Sans doute suis-je passée à côté de pas mal de chose. J’ai presque envie de dire tant mieux. Parce que si Exit le fantôme m’a tant plus alors que je connais peu Zuckerman alors sa relecture sera jubilatoire puisqu’entre temps j’aurai approfondi ma connaissance de l’oeuvre de Philip Roth.

Ce roman est le quatrième que je lis de cet auteur. Et comme à chaque fois j’ai été enchanté par son style ciselé, son humour, sa lucidité, sa finesse. Je ne vous parlerai pas davantage de ma lecture car d’autres l’ont fait bien mieux que moi et que je suis à court de mots. Mais soyez sûr d’une chose, vous entendrez reparler de Roth en ces lieux. Et promis, la prochaine fois, j’essaierai de faire un vrai billet.

 philip roth exit le fantôme gallimard, 2007