samedi 21 septembre 2019

Lecture de : La roue du silence, Dominique Vautier

« La roue du silence » est un recueil de douze courtes nouvelles aux personnages qui se trouvent à un moment clé de leur existence. Confrontés à la maltraitance, l’alcool, la maladie, l’exclusion ou le deuil, souvent en prise avec une image dégradée d’eux-mêmes, ils tentent de réagir à ces ruptures dans leur vie et de dépasser ces caps difficiles à franchir. Mais l’épreuve est souvent trop rude et l’héritage trop lourd à porter. Peu arrivent à surmonter leur traumatisme, leurs remords, leur culpabilité mais tous rayonnent d’humanité et aucun ne peut être condamné.

Il est beaucoup question de femmes, soumises à la loi des hommes, en quête d’émancipation et en manque d’amour. Les relations familiales sont elles aussi au cœur du livre et décrites bien souvent dans leur aspect le plus noir : qu’il s’agisse de couples explosés en vol ou de fils et filles encombrés par un père ou une mère destructeurs. D’autres personnages, en perdition mais de bonne volonté, parviennent à ruiner leur vie et celles des autres lors d’un court mais fatal moment de faiblesse.
Dominique Vautier raconte ces moments où tout bascule avec force et concision. Peu de mots, des phrases courtes pour installer personnages et situations, et cependant, une puissante force d’évocation entraîne le lecteur sur ce fil conducteur dramatique.

N’allez pas croire pour autant que vous ressortirez de ce recueil accablé car vous y trouverez aussi beaucoup de compassion et de tendresse, quelques notes d’espoir également.

Ainsi, cette variation sur le thème du « vilain petit canard » dans laquelle l’estime de soi d’une très jeune fille qui se fendille de toute part est réparé grâce à un geste apparemment anodin de sa grand-mère la réconciliant avec elle-même et sa féminité. Il y a des tentatives d’évasion avec une robe rouge, des raisons d’espérer autour d’une plante pourpre, des rêves de gloire et beauté devant une glace, des moments de tendresse émouvant au détour d’un hôpital ou d’une maison de retraite. La dernière nouvelle, où l’altruisme est à l’honneur, est rayonnante d’optimisme. L’hôtel des Deux palmiers est un lieu de protection et de réconfort solidement ancré dans un monde féroce où la roue du silence continue par ailleurs à broyer en secret.

dimanche 1 septembre 2019

Avis sur : Maine, de J. Courtney Sullivan

On se souvient du premier roman de J. Courtney Sullivan, Les débutantes, qui avait ravi un bon nombre de lecteur en 2012, dont le très enthousiaste libraire Gérard Collard. L’auteur américaine propose cette année, toujours aux éditions rue Fromentin, un nouveau récit où les femmes sont toujours à l’honneur.

Cette fois, il s’agit non plus de relations amicales mais filiales, au sein d’une famille d’origine irlandaise installée sur la côte Est des États-Unis. La grand-mère, Alice, est une forte tête, une femme encore belle malgré ses quatre vingt et quelques années, toujours vive, au tempérament toujours plus redouté. 
Au sein de sa propre famille, elle ne cache pas ses préférences pour ses enfants et petits-enfants et ne mâche pas ses mots quand il s’agit de critiquer le mode de vie de ceux qui ne cadrent pas avec ses principes. Mais elle-même est victime de son éducation stricte et catholique. Elle porte le poids d’une double culpabilité : celle de n’avoir jamais été une bonne petite fille, une personne sage, tempérante et obéissante et celle d’avoir provoqué un drame irréparable.

Alice, veuve depuis une dizaine d’années, retourne à chaque belle saison dans sa propriété du Maine. Cette résidence secondaire, gagnée sur un simple pari par son mari au début de leur vie conjugale et aujourd’hui très cotée, a accueilli tous les étés les membres de la famille Kelleher. 
Les enfants d’Alice, puis plus tard les familles de ses enfants.